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dévelop. hist. des théories de la physique 285

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Comme il nous faut une image d’Epinal, nous disons donc que tout se passe comme si la surface libre des liquides était recouverte d’une membrane dont la tension est la même pour toutes les incisions passant par chaque point, la même en tous les points (uniforme), quelle que soit la courbure. Il est très difficile de se représenter cette membrane; elle est le sujet d’une infinité de malentendus; nous devons expliquer aux élèves que dans une bulle de savon il y a non pas une, mais deux membranes sphériques. Bref, sur dix licenciés, il y en a bien neuf qui ne comprennent pas ce que cela signifie.

Cependant nous sommes satisfaits; nous avons notre chère image d’Epinal.

Cette idée de membrane recouvrant les liquides a beau être analytiquement exacte, elle n’en est pas moins la source d’une collection d’idées fausses. Quand on tire sur une membrane, elle résiste et d’autant plus que son extension a été plus grande; or notre membrane hypothétique a une tension constante, indépendante des changements d’aire. Une membrane semble impliquer un accroissement local de densité; or il est de toute évidence que c’est à la surface libre des liquides que la densité est la plus petite, car c’est là que les actions réciproques des particules sont le moins nombreuses. Pour réaliser cette membrane les auteurs vont jusqu’à l’absurde; j’en connais un qui n’hésite pas à donner comme exemple de la membrane hypothétique la couche d’oxyde dont le mercure se recouvre nécessairement à l’air.

Tout cela parce que nos physiciens français (je ne connais pas assez exactement les méthodes pédagogiques étrangères pour en parler) n’ont pas encore voulu comprendre ce qu’est une théorie, parce que nos mécaniciens se font la plus étrange idée de l’enseignement de la mécanique.[1] Les uns et les autres ne se contentent pas d’énoncer purement et simplement le résultat de l’expérience, élaboré sous forme de principe nécessaire et suffisant; il leur faut des images d’Epinal, fussent elles d’un coloris douteux et d’une compréhension quasiment impossible.

Je ne veux rien exagérer. Cette notion de membrane tendue est commode dans les raisonnements à la condition

  1. Je renvoie le lecteur à la préface de mon Cours de Mécanique Rationnelle et Expérimentale qui vient de paraître chez Delagrave, éditeur, 15 Rue Soufflot. Paris.
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